« Une mère et son fils, famille d’accueil à Martrin, comparaissaient mercredi devant le tribunal de Rodez pour de nombreuses violences envers de jeunes mineurs vulnérables. Trois et deux ans de prison ont été requis contre le duo. Jugement attendu le 20 novembre.
J’espère qu’un jour quelqu’un sera aussi méchant avec eux qu’ils ne l’ont été avec moi". Ces mots de Kévin*, aujourd’hui âgé de 19 ans et déficient intellectuel, rapportés par son avocate Me Fraudet, après plus de quatre heures de débat, ont plongé le tribunal de Rodez dans un silence pesant, mercredi soir. Il y a quelques années, ce jeune homme a vécu de longs mois dans une famille d’accueil, au lieu-dit "Les Tourettes", à Martrin dans le Sud-Aveyron. Et comme plusieurs de ses camarades, il a indiqué y avoir subi de nombreuses violences de la part de la maîtresse des lieux, une femme aujourd’hui à la retraite, et de son fils, trentenaire employé dans la structure en 2010. Ce duo devait répondre de ces actes perpétrés entre 2010 et 2017, sur six mineurs, devant la justice ce mercredi. Jetés et maintenus dans de l’eau gelée à l’extérieur, forcés à marcher durant des heures sans chaussures, à couper du bois en pleine nuit, à laver leurs draps dans une rivière, douches froides…
Ces violences "sévices, voire tortures de ces Thénardier des temps modernes", comme cela a été qualifié par Me Monestier, partie civile dans le dossier, sont légion. Pourtant, à la barre, la prévenue n’est pas un poil intimidée. Durant toute l’audience, elle fera même preuve d’une "rare arrogance" et obligera la présidente, Sylvia Descrozaille, à interrompre les débats à plusieurs reprises…
"Ce n’est pas un dérapage mais tout un système"
Les douches froides ? "C’est une méthode pour que les enfants arrêtent de faire pipi au lit", expliquera la prévenue, aux côtés de son fils. Les marches forcées en pleine nuit, sans chaussures et par temps de pluie ? "C’était pour calmer les enfants quand ils étaient en crise". Les immersions des enfants dans le bac de récupération d’eau de pluie en plein mois de décembre et où certains n’avaient pas pied ? "C’était notre dernier recours lorsque nous étions dépassés. On a fait avec les moyens du bord", expliquera encore le duo avant d’indiquer qu’un tel geste peut "se justifier" devant une salle d’audience médusée. Et s’interrogeant sur ces méthodes d’éducation "d’un autre temps" ! De surcroît envers des mineurs "vulnérables" en raison de leurs handicaps (autisme, mental) ou encore de leurs passés "difficiles". Deux d’entre eux sont venus témoigner à la barre. L’un n’a pu contenir ses larmes quand l’autre a rappelé avec précision les violences subies, aidée et appuyé par plusieurs éducateurs. "Ces enfants sont des délirants", clamera, à plusieurs reprises, la prévenue durant l’audience… Avant de laisser la parole à son conseil, Me Gaudy : "Ce dossier est pesant, compliqué. Je conçois qu’il puisse choquer mais pensez-vous que cette dame, qui fait ce métier depuis 1986, a eu la volonté de commettre des violences sur les enfants ? J’ai la conviction que ces gens avaient le sentiment de bien faire".
Un sentiment loin d’être partagé par le ministère public, représenté par la substitut du procureur Fanny Moles. "Ces gens qui se disent professionnels de l’enfance ont-ils élevé ces enfants ? Non, j’ai l’impression que c’était du dressage même si on ne se comporterait même pas comme cela avec des animaux… Et ce n’est pas seulement un dérapage mais tout un système qui a duré des années", a-t-elle plaidé avant de requérir trois ans de prison pour la mère et deux ans pour le fils. Le jugement est attendu le 20 novembre.
"Jamais de véritables contrôles"
Tout au long de l’audience, une question est revenue en filigrane dans les débats : comment les violences perpétrées dans cette famille d’accueil du Sud-Aveyron, de 2010 à 2017, ont-elles pu passer sous le radar des divers responsables de l’enfance et des structures du conseil départemental délivrant l’agrément ? « On n’a jamais eu de véritables contrôles », a répondu la prévenue qui s’est pourtant dite « dépassée » ces dernières années. Elle dira même avoir « appelé au secours les gendarmes, l’hôpital et le Samu » lors des « crises » d’enfants qu’elle accueillait et pour lesquels elle était rémunérée à hauteur de 140€ par jour. Mais, cela est resté « sans réponse ». Ce qui fait dire à son avocat, Me Gaudy, que la mère et son fils, n’ayant aucune qualification dans le domaine après avoir échoué dans l’obtention d’un diplôme d’éducateur spécialisé, « ne sont pas les seuls responsables dans ce dossier », dont l’alerte a été donnée par un jeune enfant et son éducateur au mois de mars 2018. Le lieu de vie et d’accueil ne reçoit plus d’enfants depuis ».
Mathieu ROUALDES
Source Centre Presse Aveyron – 20 septembre 2019
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